Des visages qui se succèdent, les uns après les autres. Des étreintes, des paroles, des instants. Les rires résonnent, la bonne humeur règne, la joie se lit sur chaque visage. Ils ne sont qu'eux ; il, elle, lui. Tous les trois, sans rien ni personne venant anéantir cette bulle, savourant ce moment si simple communément nommé ''bonheur''.

Un sentiment de plénitude, de calme absolu et dénué d'une quelconque faille. Tout est beau, si beau. Lui respire, sereinement, sans une seule once de peur. Il est protégé, contre tout. Il se sent important. Il se dit alors que s'il mourrait demain, peut-être ces deux êtres à ses côtés en mourraient-ils de chagrin. Oui, probablement. Ce serait beau, si beau d'être pleuré. Il sourit, pour la première fois depuis longtemps.

La pression monte, le pouls s'accélère, la bulle se perce. Un quatrième, un autre, un remplaçant. Peu à peu, cette étreinte se desserre, ils ne sont plus à ses côtés. Il y avait tant cru, il y avait mis tant d'espoir, mais c'est ce nouvel être qui était en réalité leur tout. C'était lui, c'est autre si différent qui représentait réellement leur vie, à eux.

Rejeté, ignoré. Il n'a plus d'importance, plus aucune. Il n'est plus indispensable. Il est là, juste là, comme un élément sans importance. Personne ne le voit plus, il a été émincé de cette bulle si confortable. Alors, il reste là, à l'écart, observant l'autre marcher en leur direction. Lui aussi voudrait bien courir dans leurs bras à son tour, mais il ne peut pas, ils ne veulent pas le voir. C'est si compréhensible... Il n'est que lui. Il n'a rien d'important, de différent, de distinctif. Il n'a rien à envier, rien à aimer. Tous les trois, ils s'aiment désormais sans lui. Il le ressent bien, il n'est pas idiot. Peu importe combien il fait semblant de ne rien voir, ils ne l'aiment pas, ne le protègent plus.

La jalousie est peut-être ce qu'il y a de pire et il la ressent en cet instant comme jamais. Cette jalousie mélangée à cette peur de ne plus être assez bien. Lui aussi voudrait être remarqué, crier au monde qu'il est là et être aimé, mais il ne peut pas. Il a trop peur pour ça, trop peur qu'on lui avoue qu'effectivement, il n'est rien de plus qu'un gêneur.


Comment devient-on ce genre de personne, comment devient-on l'un de ces types qui vous torturent sans même ciller un instant ? Comment peut-on être assez peu compatissant pour continuer à frapper sans prendre conscience des nombreuses supplications ? Il y a une quinzaine d'année, il n'aurait lui-même probablement pas compris. Oui, il n'aurait pas compris. Il n'aurait pas pu, n'ayant alors pas encore subit les nombreux événements s'étant produit par la suite. Son vécu a fait de lui ce qu'il est aujourd'hui, les gens l'ont transformé chacun à leur tour en l'homme insensible qu'il peut désormais paraître. Le monde a fait de lui quelqu'un de mauvais ne jurant désormais plus que par la douleur inculquée aux autres. Tout cela, cet enfer, il s'agit de sa vengeance personnelle, de son défouloir à lui. Tous ces gens paient pour ce qu'eux, lui ont fait. Ce monde, ce lieu, ce clan, il s'agit de sa justice personnelle. Quelqu'un doit payer et ce sont ces gamins qui en font les frais.
Sa naissance s'était produite il y a près de vingt-quatre ans, dans la ville portuaire de Yeosu, deux semaines tout juste avant la catastrophe. Peut-être était-ce de la chance ou uniquement le début de sa propre fin. Les temps étaient durs, mais il vécut les quatre premières années de sa vie aussi heureux que n'importe-quel enfant. Sa mère, du peu qu'il se souvient d'elle, était la femme la plus belle autant intérieurement qu'extérieurement qu'il n'eut jamais connu. Elle l'avait aimé, bien plus qu'il ne le fut jamais par la suite. Quant à son père, lui qui avait beau être un homme de nature dur, il était heureux et souriait, en permanence. Les flashbacks dont il était parfois assaillis, lui permettait de réaliser à quel point jamais il ne revit deux personnes autant faites l'une pour l'autre que ses parents. Et lui, il était le fruit de leur amour, leur concrétisation, le portrait craché de sa mère doublé du caractère de son père, bien qu'il savait n'avoir pas été souhaité. Cela se comprenait, qui aurait voulu donner naissance dans un pareil moment, dans une situation mondiale comme celle-ci ? Mais qu'importait, ils l'avaient gardé, le faisant se sentir important, réellement aimé. Jusqu'à cet autre.

Elle mourrait, cela se voyait. Sa grossesse la tuait et tous avait déjà entendu parler de ces enfants post-catastrophe. Pourtant, elle le voulait, elle le souhaitait comme jamais et était prête à tout pour ce second enfant. Enfant qui finit par naître, tuant la femme de trente ans à peine au passage. Son dernier souffle, ses derniers mots soufflé à un mari désespéré, il les avait entendus. Il était présent. « Prend soin de notre fils. » Et il était aisément compréhensible que ce n'était pas de lui dont elle avait parlé en cet instant.

Tout s'enchaîna si vite. Son père ne porta attention qu'au petit dernier, ce n'était même plus de l'attention d'ailleurs. Il faisait tout pour lui, pour le protéger. Alors, lorsque les pouvoirs de ce dernier se manifestèrent, ils se mirent à déménager, chaque mois, constamment, sans un seul arrêt. Il faisait tout pour son second fils, l'aimant et le chérissant plus que tout le reste.

Peut-être Jung Hwa aurait-il pu comprendre si son père avait été uniquement indifférent face à lui. Oui, il aurait compris d'être mit de côté, d'être oublié au profit du petit dernier. Il l'aurait accepté, sachant pertinemment que son cadet risquait gros s'il se faisait attraper. Oui, il aurait compris...

Était-ce parce que Jung Hwa ressemblait trop à sa mère ou bien parce qu'il était plus âgé ? Ça par contre, il ne comprit jamais, mais au même titre qu'il fait aujourd'hui payer aux Katharsis sa souffrance ne faisant preuve d'aucune pitié à leur égard, son père le fit sur sa personne à l'époque. Il était son souffre douleur, sa balle anti-stress et jamais, il ne pardonna à son cadet de ne pas avoir agit. Il était le plus grand, celui qui devait protéger le plus petit, mais il n'avait pas de pouvoir. Il n'avait rien pour se défendre face à cet homme imposant, alors que lui, lui aurait pu. C'est à ce moment que cette haine face à ce parasite qui avait bousillé sa vie se déclara réellement. Pas parce qu'il avait tué sa mère, ni parce qu'il avait brisé ses chances d'un avenir doux et sans encombres, non, simplement parce qu'il n'avait pas agi. Il n'avait rien fait pour lui. Il s'était contenté de vivre sa vie, tout en continuant de sourire et dormir paisiblement sur ses deux oreilles, tandis que Jung Hwa, lui, ne pouvait même pas se reposer un instant, toujours à l'affût et en position de défense. Toujours préparé au combat imminent. Il peut au moins reconnaître cela aujourd'hui envers ce géniteur, il aura appris grâce à lui à, dès son plus jeune âge, être attentif à toutes attaques possibles.
Jamais il n'avait montré aucun signe de faiblesses. Avec le temps, il avait arrêté de crier, n'offrant pas ce plaisir à son paternel. Avec le temps, il avait agi comme s'il était normal de subir ces actes. Malheureusement, tout ce qu'on cache finit toujours par sortir, n'est-ce pas ? Et lorsque tant d'eau a remplis un vase, la goûte qui fait débordé le tout n'apporte rarement quelque chose de bon. Ce fut le cas pour lui et le premier qui paya de ses actes fut ce soit-disant père qui l'avait tué à petit feu.


Il n'avait que dix-sept ans, lorsqu'il se retrouva avec la charge de celui né quatre ans après lui. Il n'avait rien expliqué au plus jeune, il ne lui avait jamais réellement adressé la parole durant sa vie de toute manière, ne lui montrant même pas à quel point il pouvait le haïr, gardant toujours ce visage de glace. Ainsi, son frère ne comprit probablement pas pourquoi. Bien que certains comprendront le meurtre de son père, probablement personne ne comprendra-t-il le pourquoi de son geste envers son petit frère et le qualifiera-t-il de monstre, mais il ne pouvait pas faire autrement. Il l'aurait tué lui aussi s'il avait dû le garder, parce qu'il avait beau s'être débarrassé de son père, cette haine restait ancrée en lui. Contre son frère, contre ces monstres dotés de pouvoir, contre la vie, contre le monde entier. Alors, pensant que cela réglerait tout et qu'il pourrait enfin recommencer à vivre, il fit ce que beaucoup considérerait d'inhumain, il vendit son frère au clan.


La famille n'avait plus aucune signification pour lui. L'amour, les gens, il s'en contre-fichait tant. Comment lui reprocher d'agir comme cela ? Il avait été élevé de façon à ne rien ressentir, à être coupé de l'extérieur et des autres. Pourtant, malgré ses actes effectués dans le but de recommencer à vivre, rien n'avait changé. Chaque jour était identique au précédent, il était creux et ne ressentait rien. Quant à cette haine, elle continuait de le bouffer jusqu'à l'os. Oui, cette haine si abominablement persistante qui le constitue encore au jour d'aujourd'hui. Cette haine qui ne fut disparue qu'une unique fois durant cette déchéance qu'était sa vie, lorsqu'il tua son paternel. Peut-être la psychose l'avait-elle envahit, il n'en savait trop rien, mais faire du mal, entendre des supplications en chaîne et des cris... Cela avait été délectable. Il s'agissait presque de sa propre douleur que lui avait su garder sous silence, qui enfin se retrouvait dévoilée au grand jour.

Et il en voulait encore, désespérément. Ainsi, il entra dans le clan. Il ne se chargea que d'une chose au départ, la torture. Oui, enfin il pouvait faire ce pourquoi il était venu, en toute liberté. Pourtant, l'extase n'était pas à son paroxysme. Se battre contre des cibles faibles et sans défenses qui, de surcroit, ne lui avait rien fait et ne lui apportait rien, était aussi pitoyable et à la hauteur de ce que son père avait été en s'attaquant au gosse de huit ans qu'il était. Ces Katharsis ne se défendaient pas et ne faisaient que crier. Rien de plus, uniquement cela. C'était pitoyable.
La douleur et la torture sont maîtres de tout. Nombreux sont ceux pouvant vous obéir au doigt et à l'oeil uniquement pour en finir avec cette souffrance. Lui, il était fait pour ça, la donner, mais il n'en tirait plus aucun plaisir. Il s'agissait-là de la seule chose le faisant réagir comme quelqu'un d'humain, la non-défense des autres. Il se refusait à continuer de battre dans l'ombre, quelqu'un ne pouvant même pas tenter de survivre.

Il avait beau être un homme insensible et indifférent au monde, il se refusait à laisser des gosses sans aucune défense face à ce qui pouvait les attendre ensuite. C'était si contradictoire avec sa façon d'être, sa façon d'agir. Complètement contradictoire, mais il se donnait le devoir de le faire. Il allait leur apprendre à penser comme lui, aiguiser leurs sens. Ainsi, les combats feraient palpiter son coeur. Alors, l'adrénaline le submergerait et cette haine possédant son corps et son âme se libérerait le temps de quelques instants.

Toute son enfance, il avait eu une épée de Damoclès au-dessus de la tête, appréhendant que la porte de sa chambre ne s'ouvre à tout moment. Il avait appris à ne plus dormir, à éviter les coups et les rendre. Son père avait été son terrain d'entraînement, son maître d'apprentissage en la matière et aujourd'hui, il serait le leur.
Sa force n'était plus à démontrer, mais suite à un combat qu'il gagna de justesse, il douta de ses propre capacités et se mit à utiliser de la Dytentrine. Pour augmenter ses forces et avoir un plus grand nombre de chance d'atteindre ces victoires si délectables. Dytentrine dont il est aujourd'hui complètement dépendant. La dépendance, il haït tant ça. Cela lui donne l'impression d'être faible et incapable de lutter seul, mais peu importe. Grâce à elle, il a enfin pu devenir ce qu'il voulait devenir, soit un entraîneur spécialisé en défense. Grâce à elle, il ne fit que devenir plus puissant et intimidant. Il n'est plus un simple humain dénué de pouvoir et il se trouve être plus puissant que de nombreux mutants. Est-il devenu plus puissant que son propre et faible frère s'étant échappé de ce clan peu après son arrivée? Il n'en a rien à faire. Il n'a plus de frère et n'en a jamais eu.
Désormais, il peut se battre, faire de ces katharsis ce dont il a envie, le tout en les voyant se défendre pour leur propre vie. Jamais encore il n'avait vécu quelque chose d'aussi puissant. Ils le voient, le connaissent et savent que s'ils font le moindre faux pas, c'est lui qui leur arracherait leur vie. C'est lui, l'homme puissant contre qui ils doivent apprendre à survivre. C'est sa vengeance à lui, contre son père, contre son frère, contre les katharsis, contre le monde entier.