Bien sûr, pour être devenu ce que je suis, je n’ai pas eu une vie facile. Mon passé est sombre et difficile mais peut-être est-ce pour cela que le manipule les ombres ? Je n’en sais rien et peut-être que je me trompe. En fait, je m’en fiche complètement. Ce n’est pas vraiment cela qui m’importe. La vérité est surtout que mon don est apparu à cause de ces scientifiques asiatiques. Comme je les aime. Grâce à eux, j’ai eu la chance d’être né avec un plus. Un talent que les autres n’ont pas. Vous allez dire que c’était horrible, qu’il y avait beaucoup de mort, mais je m’en moque. Ce n’est pas mon problème. Car, grâce à ce drame, j’ai reçu la force pour me battre, pour survivre, pour devenir fort. C’est vrai, je devrais raconter mon histoire. Pourquoi ? Vous n’avez pas besoin de savoir, personne ne doit savoir. Cela pourrait se retourner contre moi, comme une faiblesse. Je ne veux pas. Je suis fort, moi. Le seul être vivant sur cette planète qui connait ce passé est en train de reposer en paix.

Vous devez surement être au courant pour ces naissances douloureuses qui arrivaient après l’accident ? Eh bien, ma génitrice n’y a pas fait exception. Je ne sais pas comment elle a vécu l’accouchement, heureusement d’ailleurs, sinon il y aurait un problème je pense, mais d’après ce que j’ai pu entendre sur ces étranges naissances j’ai pu à peu près me faire une idée. C’était à chaque fois la même chose, beaucoup de souffrance pour atteindre la mort au bout. Mourir en donnant la vie. N’est-ce pas beau ? Surtout lorsque c’était la mienne. Il y avait un prix pour me voir arriver dans ce monde et cette femme qui aurait dû être ma mère la payé. Je ne suis pas triste, non. Pourquoi le serais-je ? Je ne l’ai pas connue, elle n’est rien pour moi. Elle était faible, ça l’a tuée. C’est tout.

Ce fut donc mon père qui me prit avec lui afin de m’élever. M’apprendre à parler, à marcher, à compter, calculer, etc… Tout ce qu’il faut pour qu’un enfant grandisse bien et soit cultivé, ne serait-ce qu’un minimum. Je ne pouvais pas vraiment dire que j’étais heureux, mon père me parlait que lorsque cela était nécessaire et me nourrissait seulement afin que je ne meure pas de faim, le stricte nécessaire. Il n’avait pas beaucoup d’argent, et donc me disait toujours qu’il fallait faire attention à ce que l’on achète, à ce que l’on mange. Je ne recevais que de vieux vêtements et je savais d’où ils provenaient. Des poubelles. Oui, mon père ne m’avait jamais rien acheté. Je n’avais ni jouet, ni livre à lire, rien. Il devait me voir comme l’assassin de sa femme, je ne sais pas il ne me parlait pas. C’était juste ce dont j’avais l’impression.
Après, il y avait eu cette sortie. Pour la première fois, mon « père » m’emmenait faire une balade, il m’avait dit que c’était une surprise pour mon anniversaire, et que je ne devais pas regarder. J’avais été bien bête. Me demander de fermer les yeux était dans le seul but de m’empêcher de voir le chemin, de pouvoir faire demi-tour une fois arrivés à destination. Car oui. Il n’y a pas eu de retour pour moi. Je vois encore cet homme me laisser sur le bord de la route et repartir aussi vite, me laissant seul, seul face au monde, à la nature.
Je ne me rappelle pas combien de temps j’ai vécu seul, affamé au bord de la mort. J’ai bien crus que j’allais y passer. Je jouais celui qui s’en moquait, celui qui n’avait rien à faire de son sort, mais je savais que j’étais triste, abandonné.
Je ne voulais pas mourir, pas encore, je ne voulais pas paraitre faible comme ma génitrice. Non, je voulais la puissance et pouvoir me débrouiller. Survivre. Tuer avant de se faire tuer. C’était là, ma nouvelle façon de vivre.

Puis je l’ai rencontrée. Cet être vivant, cette créature, cette femelle. Je me rappelle très bien, j’étais allongé, fatigué. Je me contentais de regarder le ciel sans fin, pensant à ma prochaine victime. Ma prochaine cible qui souffrira sous mon pouvoir et grâce à qui j’aurais de quoi manger le soir. Sauf que je fus vite tiré de mes pensées par un petit grognement. Brusquement, je m’étais redressé dans le but de voir celui ou celle qui me dérangeait dans ma réflexion, mais je n’étais pas tombé sur un humain, mais plutôt sur un animal à quatre pattes, recouvert d’une fourrure qui me semblait plus que douce. Un loup. Ou plutôt une louve. Elle me fixait avec un air étrange, je ne pouvais pas savoir ce que pensait l’animal. Peut-être voulait-elle me dévorer ? Elle était seule, ou était sa meute ? Elle devait s’être perdue, peut-être abandonnée. Dans tous les cas, elle était seule. Comme moi. Etait-ce pour cela qu’elle ne m’a pas dévoré ? Etait-ce pour cela qu’elle m’a laissé la suivre durant toutes ses années jusqu’à sa mort ? Elle avait dû ressentir que j’étais comme elle. Seul et abandonné.
Donc, j’ai décidé de la suivre, de faire ce qu’elle faisait, d’apprendre à survivre comme elle, comme un loup, attaquer lorsque c’était nécessaire, voler, piller et pourquoi pas tuer. J’étais devenu une vraie bête sauvage. J’allais même jusqu’à tuer pour le plaisir, je m’en fichais, ce n’était pas mon problème, je n’avais rien sur la conscience. Pouvais-je dire que j’avais perdu toute humanité ? Peut-être.
Puis, comme le temps avançait, l’âge aussi, il y eut ce jour où cette louve mourut. Je pensais que ça allait plus me toucher que cela, mais non. Je me suis juste contenté de lui faire une sépulture décente. Chose, que je n’avais jamais fait auparavant. Et de nouveau, j’étais seul.

Un jour, j’étais tombé sur un bâtiment plutôt grand, et je m’y étais faufilé sans vraiment savoir ce qu’il renfermait. Je voulais juste des vivres. Juste cela. De nouveau, j’usais de mon pouvoir afin de tracer mon chemin, d’écarter les gêneurs, mais cette fois-là, ça ne se passait pas comme prévu. Malgré l’expérience que j’avais acquise de mon don, je fus attrapé et maitrisé. Jamais je n’avais eu une telle humiliation. Ils m’avaient emmenés ensuite dans d’étranges salles où j’avais dû passer toutes sortes de « testes ». C’était douloureux, très douloureux. Mais aussi étrange que cela pusse paraitre, j’y prenais du plaisir. Lorsque je voyais d’autres gamins pleurer, dire qu’ils voulaient mourir, moi je m’y plaisais bien. Je m’étais vite fait à cette vie, j’avais un nouveau toit, de nouvelles personnes qui s’occupaient de moi. J’étais d’accord avec elles pour beaucoup de choses. J’avais une nouvelle famille. Et cette fois, jamais je ne voulais la laisser perdre, j’étais prêt à tout faire pour l’élever au sommet. Je me portais volontaire pour presque toutes les missions de mon rang. J’en avais besoin. Me sentir utile pour elle et ne plus être abandonné. Plus jamais.

A présent, je suis toujours chez ces Katharsis, et je crois que c’est la meilleure chose qui me soit arrivé. Je peux faire du mal à volonté, m’améliorer dans l’utilisation de mon don et j’ai cette famille que je dois élever tout en haut. J’aime tout cela.