Une journée banale. Une journée comme les autres. Une journée comme j’en ai vu défiler des centaines depuis que j’ai fugué. Parfois ce sont des belles journées, parfois j’ai juste envie de rester dans mon lit et de dormir ou alors dessiner. D’ailleurs je viens de quitter le parc … C’est mon endroit préféré pour aller dessiner. La guerre fait rage dans le monde, mais dans ce parc j’ai parfois l’impression de trouver un peu de paix, de sérénité ou alors c’est d’être plongé dans mes dessin qui me fait ressentir cela, je ne saurai pas vous le dire. Je me suis arrêté manger dans un restaurant sans prétention, sans arrêter de contempler ou de peaufiner un croquis. Je dessine des gens que je croise, des paysages, des dessins imaginaires aussi parfois. Là … Je dessin un pégase. Vous savez ces créatures mythologiques, un cheval doté d’une magnifique paire d’ailes. Parfois je m’imagine m’échapper de ce monde, sur le dos de l’un d’eux. Idiot, n’est-ce pas ? J’aime bien rêver … Même si c’est rêver à l’impossible, je m’en fiche. Au moins pendant les quelques minutes où je suis perdu dans mon rêve j’oublie cette réalité qui m’entoure et que je déteste tellement par moment. Un dernier coup de crayon pour la crinière et l’encolure, puis voilà … Je considère mon dessin comme terminé. Je souris. Je suis plutôt fier de moi. Je me suis installé dans un coin plutôt à l’écart, lors je mange tranquillement sans lâcher mes crayons. Grâce à mon pouvoir je peux devenir un bel équidé, sauf que je n’ai pas ces jolies ailes blanches dont j’ai doté mon dessin. Dommage … Je m’enfuirai bien loin … Très loin et j’emmènerai ma sœur avec moi, mon père aussi et puis bien sûr … Kyu Min. Un autre sourire se dessine sur mon visage, quand parmi tous mes dessins je tombe sur un portrait de mon meilleur ami. Les battements de mon cœur s’accélèrent et je repose le portrait.

J’aime beaucoup dessiner des portraits. C’est tellement plus vivant qu’un paysage, même si certains cadres idylliques méritent d’être reportés sur papier. Quand je dessine un portrait, je m’applique toujours beaucoup sur les yeux. J’essaie d’y transcrire un peu de joie et d’espoir. Je n’aime pas dessiner une personne ou un personnage au regard vide. C’est tellement triste. Quand j’ai finis je paie mon petit repas improvisé avec ce que je gagne des petits boulots que j’accumule et que je ne garde jamais. À croire qu’à part pour le dessin, je ne suis doué à rien. Je sors du restaurant et je m’apprête à revenir sur mes pas. Je voudrai retourner au parc. D’un pas décidé je reprends le même chemin que tout à l’heure. Cependant quelque me bouscule. Un bad boy baraqué et trois autres mecs. Il me pousse en m’ordonnant de faire attention où je marche. Ses petits chiens –c’est bien ce qu’ils ont l’air d’être- rient. Je me fiche qu’il me fasse la misère, tout ce que je vois c’est mon cahier à dessin par terre, grand ouvert et quelques feuilles qui s’échappent. Je fronce les sourcils. Celui qui semble être le leader baisse le regard et se moque de moi. Il dit que j’ai l’air prêts à pleurer pour des feuilles et sur ses mots il donne un coup de pied dans mon cahier avant de continuer son chemin avec sa bande, me laissant seul. Ce ne sont pas que des dessins ! Voilà ce que j’aurai envie de hurler, mais aucun son de sort de ma gorge. Le dessin c’est ma liberté et toute ma vie, le respect il connait ? Je soupire et je m’agenouille rapidement pour tout rassembler. Je lève les yeux, quand deux autres mains se joignent aux miennes pour empêcher les feuilles de s’envoler. Je souris … Une jeune femme me vient en aide. Ce monde n’est pas complètement pourri … Dans un sens c’est rassurant.

Le vent souffle dans mes cheveux et le soleil caresse mes épaules nues, un sourire passe sur mes lèvres, enfin un jour ou la pluie ne sera pas gagnante. Je cherche du regard le chien, où est-il encore allé se fourrer ? Je l'aperçois au loin il taquine des oiseaux. Bien.
Mon ventre gargouille et je grimace, ai-je assez pour nous acheter de quoi manger ? J'en doute fortement mais fouille malgré tout dans mes poches à la recherche du moindre billet qui pourrait nous permettre de manger un peu, je découvre avec surprise qu'il me reste un peu plus de 10 dollars, un léger sourire illumine mon visage et je me dirige vers ce café que j'ai repéré un peu plus loin pour acheter de quoi nous faire patienter jusqu'à un vrai repas...
Je rentre dans le café, surveillant toujours par-dessus mon épaule que le chien ne s'éloigne pas même si je sais qu'il ne le fera pas. L'air frais du café me fait frissonner et le son d'un carillon s'élève dans les airs pour annoncer la venue d'un client.

_Bonjour, un sandwich s'il vous plaît, dis-je d'une douce voix au serveur.

Celui-ci me tend le sandwich le moins cher et le moins appétissant mais son geste reste bloqué, son regard se portant par-dessus mon épaule, je pose ce que je lui dois sur le comptoir et prend d'un geste presque brutal l'objet de ma convoitise. Alors mon pouvoir fait des siennes et une nouvelle vague d'émotion se fait sentir, des émotions qui ne sont pas les miennes... J'écarquille les yeux devant le sentiment d'injustice mais aussi de rage que je ressens, ma faim s'apaise immédiatement comme pour me permettre de ne me concentrer que sur ce que je ressens. Je redresse la tête et le serveur a disparu, ces émotions viennent donc de dehors et je sors sans réfléchir pour découvrir un jeune homme en face de plusieurs gros bras ridiculement tatoués de partout. Un aboiement se fait entendre et j'appelle le chien à moi lui grattant le sommet de la tête pour le calmer, sa truffe venant sentir le sandwich que j'ai complètement oublié. Je le laisse s'en saisir sans regrets et fait un pas en avant.
Le jeune homme ne dit rien mais les paroles sont inutiles par rapport à ce que je ressens et qui me fais un poids sur le coeur, mon instinct maternelle est plus fort que ma peur et je m'approche de lui, croisant les gros bras mais ne leur accordant pas un seul regard, arrivée à sa hauteur je m'agenouille et tente d'empêcher les feuilles de s'envoler, j'en profite pour aspirer un peu de ce sentiment d'injustice qui imane de cet homme, histoire de le soulager et de me faire rajeunir pour quelques heures au moins.
Je me redresse, quelques dessins dans les mains et mon regard se posent sur les dessins que je tiens,un sourire vient éclairer mon visage sans que j'ai besoin d'y penser, les croquis qui se présentent à moi sont d'une précision et d'un graphisme rare.

_Ils sont superbes dis-je dans un grand sourire, redressant la tête pour enfin voir l'artiste qui dessine toutes ces merveilles, vraiment.

Je lui tends les dessins d'une main sûre, un léger sourire aux lèvres, détaillant discrètement l'homme devant moi et mon coeur se serre. Un enfant.

Je me fais bousculé par un imbécile qui essaie de me faire peur avant d’envoyer valser mon cahier à dessin d’un coup de pied. Puis il s’en va, emmenant sa bande avec lui. Je ne pleure pas d’abords et puis ce ne sont pas que des feuilles. Ce sont mes dessins. Je dessine pleins de choses et surtout ce à quoi je tiens. Ma sœur par exemple, mon père ou encore Kyu Min, mon meilleur ami. Et puis … Ma mère aussi. Enfin je n’ai jamais vu son visage en vrai. Je me fie aux photos que j’ai vues. Je m’agenouille rapidement de pour récupérer mon cahier et les feuilles qui s’envolent. Je ne veux perdre aucun de mes dessins. Même les ratés j’ai souvent du mal à les jeter. Je garde tout ce que je dessine. Absolument tout, sauf rare exception. Quelqu’un vient m’aider à ramasser mes croquis. Je relève la tête et adresse un sourire timide à la jeune fille devant moi. Elle n’était pas obligée de venir me donner un coup de main, mais elle l’a fait et je l’en remercie. Au moins aucune feuille n’a eu le temps de s’envoler trop loin. Je me relève et je prends les dessins qu’elle me tend. Mon sourire s’élargir à l’entente de son commentaire ou plutôt compliment.

- Merci … Je suis content que tu aimes, je mets beaucoup de moi-même dans mes dessins.

C’est vrai. Les chanteurs transmettent des sentiments avec leurs voix, les danseurs avec leurs gestes et moi j’ai juste mon coup de crayon, mais cela me suffit amplement. J’aime tellement dessiner. Je ne cesse de sourire à cette jeune fille. Je me sens un peu mieux. Il y a quelques secondes j’étais prêt à laisser couler quelques larmes à cause de cette brute qui n’a eu aucun respect pour l’une des choses que je chéri le plus au monde. Mais depuis que cette fille est arrivée, je me sens étrangement plus léger. Elle a l’air un peu plus âgée que moi ou alors plus mature. J’ai beau avoir vingt ans, on dit souvent que j’ai encore un visage et une âme de gamin. Parfois je le prends bien et parfois je ne sais plus quoi faire pour avoir l’air plus mûr face aux autres. Je n’y peux pas grand-chose, si j’ai encore ce caractère enfantin. J’aurais pu me contenter de la remercier et prendre congé, mais … Je n’en ai pas envie. J’ose espérer ne pas l’embêter au moins.

- Je m’appelle Alexander … Liao Alexander, enchanté, encore merci pour ton aide et ton compliment.

En me présentant j’ai le faible espoir de commencer une conversation avec cette jeune femme. Je ne veux pas partir comme un voleur alors qu’elle a eu la gentillesse de m’aider. Si elle veut que je la laisse tranquille je le ferai, mais pour le moment j’ai envie de me montrer sympathique. Comme d’habitude. Je ne déteste pas parler avec des inconnus, je ne suis pas de nature timide. Je me méfie juste et je ne parle pas aux personnes louches, comme ces brutes qui se sont bien amusés à me bousculer tout à l’heure. Alors que la jeune femme qui m’est venue en aide à l’air beaucoup plus amical. Je baisse les yeux vers l’animal qui se tient aux côtés de la jeune fille. C’est un beau chien. Je lui caresse la tête sans crainte, il a l’air bien occupé à manger.

- Il est à toi ? Il est mignon … J’aime beaucoup les bêtes.

J’adresse encore un sourire à cette jeune fille. À croire qu’il ne s’efface jamais de mon visage celui-là. Ce n’est pas faux. En public je souris tout le temps c’est ma manière de me montrer fort. Cependant parfois je craque parce que dans le fond je suis trop fragile … Quand je suis seul surtout, je ne garde rien cacher et mon sourire disparait.

Cette jeune femme n’a pas l’air aussi antipathique que ces brutes qui m’ont bousculé tout à l’heure. Elle semble plus gentille et depuis qu’elle est près de moi, je me sens un peu mieux. Moins oppressé par ce qu’il vient de se passer et ce que mes trésors ont subies. Je prends les dessins qu’elle me tend en la remercient encore et encore. Je les observe attentivement et je constate avec soulagement qu’ils ne sont pas abîmés, puis je les range soigneusement dans mon cahier. Je fais tellement attention à ce cahier et à tous mes autres dessins qui sont rangés dans des pochettes à élastique d’ailleurs. Je ne suis pas spécialement maniaque, mais avec mes dessins on pourrait presque le croire tellement j’y fais attention. Ensuite je me présente, pour essayer de commencer une conversation avec cette jeune femme. Elle m’a aidé je ne vais pas la repousser froidement, ce n’est pas du tout mon genre. Mon regard est attiré par l’animal qui se tient près d’elle. Un chien. J’aime beaucoup les animaux, peut-être que c’est à cause de mon don. Je lui caresse la tête et j’attends qu’elle prenne la parole. Peut-être qu’elle me dira de la laisser tranquille ? Mais ce n’est pas ce qu’elle fait. Elle se présente à son tour ; Ji Eun. Son compliment fait légèrement rougir mes joues, mais cela ne me fait pas moins plaisir. Au contraire. J’apprécie que Ji Eun aime autant ce que je dessine.

- Merci … Mais je ne sais pas si j’ai assez de talent pour ce genre de chose … dis-je avec un petit sourire.

Si un jour je peux vivre de ma passion serait vraiment génial … Ce n’est pas que je ne veux pas, d’une n’avait jamais pensé sérieusement à exposer mes dessins et de deux … Je ne sais pas si j’oserai. Si j’en avais l’occasion je tenterai ma chance, du moins je pense. Je n’ai pas grand-chose à perdre. Ce n’est pas de la fausse modestie. Beaucoup de personnes trouvent mes dessins très beaux. Je ne les trouve pas moche, loin de là, mais je suis sûr qu’il y a des dessinateurs beaucoup plus doué que moi. C’est tout. Et puis c’est un peu une excuse aussi, car exposer mes dessins serait révéler certaines parties de moi et je n’aime pas tellement me montrer comme cela. Je mets beaucoup de sentiments dans mes dessins. Par exemple … Comment j’expliquerai que j’ai des dizaines de dessins d’une seule et même personne, avec parfois des phrases écrites à côté, qui dévoilent tous mes sentiments pour mon meilleur ami ? Même si j’écris plus souvent en chinois ou en anglais, qu’en coréen pour éviter qu’on me comprenne, je ne suis pas le seul à parler ces langues.

Je souris alors que Ji Eun hausse la voix contre son chien. Le chenapan a mangé tout le sandwich. Une petite idée me traverse l’esprit.

- Je peux te proposer de venir manger un morceau avec moi ? Je n’ai pas encore mangé et ton chien à dévorer ton sandwich … Ce sera ma manière de te remercier ?

C’est faux j’ai déjà mangé, mais Ji Eun n'est pas censé le savoir et … Comme je l’ai dit ce sera ma manière de la remercier, alors qu’elle aurait très bien pu passer son chemin et m’ignorer royalement.

Je vois son visage s'éclairer et je suis contente que mon compliment l'ai touché.

_Merci … Mais je ne sais pas si j’ai assez de talent pour ce genre de chose … dis-je avec un petit sourire.

J'hoche simplement la tête à sa réponse, après tout je ne me penserai pas capable moi-même d'exposer ce que j'aurai fait en y mettant tout mes sentiments, mon cœur et mes désirs. Grattant toujours le pelage du chien qui fouette l'air de sa queue, Alexander me propose quelque chose:

_Je peux te proposer de venir manger un morceau avec moi ? Je n’ai pas encore mangé et ton chien à dévorer ton sandwich … Ce sera ma manière de te remercier ?

Je m'apprête à refuser lorsque mon instinct maternel fait encore des siennes, comment pourrais-je passer mon chemin alors que j'ai ressenti tant de tristesse tout à l'heure ? Et puis en fait, j'ai faim. Stupide et adorable chien.

_D'accord, dis-je dans un souffle, mais c'est moi qui paye !

Ma voix se fait enjouée et je me doute bien que même s'il ne montre pas tout, cet enfant -c'est ainsi que je le vois, même si l'homme en lui m'impressionne- est d'un caractère facile et enjoué.
Enfant j'avais le même caractère, bien avant mon petit séjour chez les scientifiques.
Et lorsque je regarde Alexander je me revois quelques années plus tôt, maintenant je cache cette partie de mon caractère comme tout le monde ici, nous cachons tous qui nous sommes réellement de peur d'être déçus, abandonnés ou trahis. Ce monde nous a tant prit. J'ai l'impression d'avoir l'âge de ma grand-mère et mes épaules se font lourdes.

_Je connais un petit restaurant pas cher, on y va ? Ma voix n'est pas très assurée mais j'espère qu'il n'a pas remarqué cela.

Je tapote la tête du chien et indique de mon index la direction du sud, là où se trouve l'ancien restaurant de ma grand-mère, abandonné pendant quelques années il est désormais sous la gérance d'un abruti de première qui a simplement eu la bonne idée d'engager un merveilleux cuisinier.

_Enfin si tu connais un autre endroit ça me va aussi...

Tous ses compliments me font plaisir, il n’y a pas de doute là-dessus, mais je ne m’en sens pas capable. Du moins pas pour le moment. Peut-être plus tard qui sait … Quand j’aurais un peu de maturité et de confiance en moi. Si jamais cela arrive un jour. Je suis peut-être prédestiné à rester un enfant toute ma vie. Ce qui ne me déplait pas tant que cela, mais je ne peux pas vivre comme Peter Pan, un jour où l’autre il faudra bien que je devienne un adulte et pas grandir que physiquement. Quoique … Pour le moment même mon physique reste celui d’un enfant. Je remercie Ji Eun en caressant son chien et je lui propose de venir manger quelque chose avec moi. J’ai déjà mangé, mais ce n’est pas comme si j’avais fait un repas très copieux et je tiens vraiment à la remercier. Elle accepte ma proposition et elle cite même un restaurant qu’elle connait, pas très cher.

- Non, nous pouvons aller dans ce restaurant que tu connais ça ne me gêne pas, mais … Je voulais t’inviter pour te remercier, alors je ne vais pas te laisser payer.

J’ai peut-être une tête de gamin docile et qui obéit à tout ce qu’on lui dit, mais je sais être têtu quand je veux.

- Si je tu paies je devrais te remercier pour cela aussi …

Je lui souris, je ne sais pas exactement où se situe ce restaurant où Ji Eun veut aller, alors je la suivrais mais pour le moment nous restons ici à discuter. Ce n’est pas dérangeant, j’aime faire de nouvelle rencontre, tant que ces personnes que j’apprends à connaître ne sont pas hostiles envers moi. Il est rare que je fasse quelque chose de méchant envers les autres. Les rares fois où cela peut arriver, c’est quand on me fait une crasse en premier. Mais cela reste rare … Je n’ai pas un esprit rebelle ou qui tient tête facilement à quelqu’un. Je n’arrête pas de caresser l’animal. J’ai trop les bêtes et je crois que ça ce vois, en même j’ai un peu une part animal en moi puisque mon don est la transformation équine.

- Dis … Il a un nom ton petit protégé ? « Thief » lui irait bien … Cela veut dire voleur en anglais, mais c’est un adorable petit voleur, dis-je en riant.

Je fais bien entendu référence au sandwich que notre ami le chien à chipé à sa maîtresse. Et puis ce n’était qu’une plaisanterie. Je ne sais pas même pas si Ji Eun parle anglais … Je maîtrise cette langue grâce à ma mère, même si ma sœur me l’a enseigné. Mais certains détails de ma vie n’intéressent personne. Si je veux faire de Ji Eun une amie, il faut que je trouve un sujet de conversation qui nous intéresse tous les deux ?

- En fait … Pourquoi tu es venue m’aider ?

Je ne lui reproche rien et je ne veux pas qu’elle prenne mal ma question, surtout pas c’est juste … Que depuis ma fugue j’ai appris que pour les trois quarts des personnes qui peuplent ce pays c’est « marche ou crève » et « chacun pour soi » … Je généralise sans doute, même en période de guerre il reste forcément de bonnes personnes et heureusement. Mais … J’ai eu l’habitude que les gens me laissent me débrouiller seul et avec mon caractère très peu débrouillard je m’en sors à peine, je dois juste faire avec. Je suis tout de même content d’avoir rencontré quelqu’un comme Ji Eun. Je veux vraiment en faire une amie. Elle n’a vraiment pas l’air comme toutes ces personnes que je croise à longueur de journée ou comme ces brutes qui m’ont bousculé tout à l’heure.

Ses doigts caressent le chien et je suis contente de le voir si réceptif aux caresses. Je peux donc faire confiance à Alexander.

_Non, nous pouvons aller dans ce restaurant que tu connais ça ne me gêne pas, mais … Je voulais t’inviter pour te remercier, alors je ne vais pas te laisser payer.

Je rigole légèrement, je comprends qu'il veuille me remercier de l'avoir aidé à ramasser ses dessins mais n'est-ce pas beaucoup pour un simple coup de main ? Décidément ce jeune homme m'étonne, il semble vraiment très généreux.

_Si je tu paies je devrais te remercier pour cela aussi …

Je lui fais un petit signe de la main comme quoi ce n'est pas la peine, après tout, s'il veut me payer le repas pourquoi pas ? Je suis affamée et sans un sou. Je soupire doucement, pourquoi suis-je toujours sans la moindre ressource ? Depuis ce jour ou je me suis retrouvée seule et abandonnée de tous j'ai peur de prendre mes repères, ils pourraient disparaître du jour au lendemain mais dans ce genre de moments je me sens stupide. Je n'ai rien à quoi me raccrocher. Peut-être qu'en la personne d'Alexander j'aurai un ami et de ce fait un point d'ancrage dans ma vie si chaotique. Sa voix me sort de mes pensées.

_Dis … Il a un nom ton petit protégé ? « Thief » lui irait bien … Cela veut dire voleur en anglais, mais c’est un adorable petit voleur, dit-il en riant.

J'écarquille les yeux et cherche dans les méandres de ma mémoire... Thief... Ce mot anglais me dit quelque chose et je mordille ma lèvre inférieure en cherchant sa signification. Les sœurs de l'orphelinat avait commencé à m'enseigner l'anglais mais je n'ai pas eu le temps de terminer le parcours ordinaire... Mutante que j'étais. Un frémissement me parcourt des pieds à la tête à l'évocation de se souvenir et pourtant le déclic se fait.
Alexander ajoute la traduction du mot qu'il vient de me dire et je lui en suis reconnaissante, mes bases d'anglais sont minimes.

_Voleur ? Je rigole en m'accroupissant près du chien et lui gratte le cou. Alors Thief ça te plaît comme nom ? Dis-je au chien un sourire aux lèvres alors que celui-ci me répond d'un aboiement joyeux. D'accord, le ch..Thief... Je t'appellerai comme ça si j'y pense.

_En fait … Pourquoi tu es venue m’aider ?

Sa question ne m'étonne pas; après tout dans ce monde, nous nous méfions tous les uns des autres.

_Je n'en sais trop rien à vrai dire, c'est comme ça et même si c'est difficile à croire il reste des gens gentils dans ce monde. Apparemment. Répondis-je d'une voix douce ponctuée d'un léger sourire. Incroyable pas vrai ? Mes yeux sont contaminés par mon sourire et je prend plaisir à parler avec Alexander. Et si on y allait ? Je meurs de faim.

Mon ventre approuve en gargouillant bruyamment et mes joues rosissent légèrement. Je pose ma main sur celui-ci et me racle la gorge, légèrement gênée. Alexander semble amusé de la situation et je sens définitivement que nous sommes fait pour nous entendre. Sa présence m'est déjà naturelle et je me sens à l'aise. Mon instinct de mère fait des siennes et je me retiens de le câliner. Ce serait idiot de ma part.
Je commence à marcher vers la direction que je lui ai indiqué tout en m'assurant qu'il me suit.

J’insiste pour payer la part de Ji Eun, d’une parce que je l’ai invité puis parce que je voudrais la remercier même si ce n’est pas grand-chose. J’ai toujours été comme cela. Ce n’est jamais rien pour moi, elle m’a aidé alors qu’elle n’avait pas à le faire. Comme elle ne proteste pas, j’imagine que c’est qu’elle est d’accord. Tant mieux. Je suis plutôt docile et obéissant, mais pour ce genre de chose je sais aussi être très persuasif. Cependant, je reste toujours très intéressé par le chien. Moi et les bêtes, c’est une grande histoire d’amour. Je suggère même un prénom pour lui. Enfin non, avant je demande à Ji Eun s’il a un prénom mais visiblement non. Le chien aboie quand Ji Eun lui propose son nouveau prénom et moi je souris. Il est tellement adorable. Je les trouve tous adorables de toute façon, à quelques exceptions près. J’ai même eu l’occasion d’étaler mes connaissances en anglais, enfin bon ce n’est qu’un mot et je ne suis pas vraiment du genre à me vanter, même quand j’ai des facilités dans un domaine. Si là j’ai donné la signification à Ji Eun c’est simplement parce que j’ignorais si elle parle anglais ou non. Puis je lui demande innocemment pourquoi elle est venue m’aider. Je ne veux pas qu’elle le prenne mal. Je ne demandais pas cela pour lui reprocher quoique ce soit.

- Oui … Heureusement qu’il reste que des personnes gentilles ici, je ne préfère pas imaginer ce qu’il se passerait sinon …

Et c’est vrai. Je préfère ne pas m’imaginer ce genre de scénario. Déjà que même en temps de guerre et de chacun pour soi, je ne me vois pas faire du mal à quelqu’un et je suis méfiant trop rarement. Je devrais apprendre à faire moins facilement confiance ou au moins me protéger des personnes hostiles de ce monde, mais je n’y arrive pas.

J’acquiesce d’un signe de tête et je la suis quand Ji Eun commence à marcher. Au départ le silence se proclame roi, je me contente de rester près de Ji Eun puisqu’elle seule sait où elle nous emmène. Néanmoins je déteste le silence. Vraiment et comme je suis très bavard, je ne peux pas m’empêcher de prendre la parole. Chassez le naturel il revient au galop.

- Est-ce que tu as une passion ? Enfin … Moi j’adore le dessin c’est la seule chose qui me permet de m’évader et de me sentir un peu libre, ce que je ne suis pas vraiment … Mais je te demande cela par curiosité …

Quand je vous dis que je parle trop. J’aurais très bien pu me contenter de lui demander si elle a une passion, quelque chose que Ji Eun aime faire plus que tout, mais il faut toujours que j’en rajoute des tonnes. Et je blablate sans arrêt. Ji Eun devra apprendre à me supporter, à moins que nous ne nous revoyons jamais après aujourd’hui ? Oh … Non … J’aimerai beaucoup la revoir. Comme elle dit les personnes gentilles sont si rare.

Une autre curiosité me passe par la tête. Est-ce que Ji Eun est comme moi. Une … Mutante ? C’est le genre de question que je ne pose jamais, j’ai trop peur. Trop peur de tomber sur quelqu’un qui déteste les mutants. Un de ces Lahesis qui ne cherchent qu’à tous nous tuer ou nous asservir. C’est une peur qui me tord toujours le ventre, alors même si ce genre de question me brûle souvent les lèvres, car je suis curieux des dons qui ont été donnés aux autres. J’attends d’être sûr avant de m’aventurer sur ce terrain plutôt dangereux. Alors je me tais et j’attends juste que Ji Eun me réponde avant de faire une gaffe …

_ Oui … Heureusement qu’il reste que des personnes gentilles ici, je ne préfère pas imaginer ce qu’il se passerait sinon …

Lorsque je vois qu’il me suit une appréhension règne en moi, après tout je ne connais ni d’Eve ni d’Adam ce jeune homme et j’ai peur de mettre trompée sur le jugement que j’ai fais de lui. Pourtant je ne ressens aucune animosité de sa part et je me sens plutôt à l’aise même si le silence règne entre nous deux.

_ Est-ce que tu as une passion ? Enfin … Moi j’adore le dessin c’est la seule chose qui me permet de m’évader et de me sentir un peu libre, ce que je ne suis pas vraiment … Mais je te demande cela par curiosité …

Sa question me sort de ma torpeur et je souris doucement, comme j’ai pu le deviner il est passionné dessin. Malgré moi j’esquisse un léger rictus, je n’ai pas réellement de passion et la seule chose qui me vient en tête c’est de lui répondre ce pour quoi je suis la plus douée.

_ Disons que ma passion c’est de prendre soin des gens. J’hoche la tête comme pour me rassurer moi-même.

Si je n’ai pas de passion c’est parce que je n’en ai pas eu le temps. Comment aurais-je pu développer une réelle affection pour quoi que ce soit entre ces murs blancs alors que jours après jours, mes cris, mes pleurs et mes suppliques résonnaient ? Je me sens mal et mes jambes tremblent sous mon poids. Repenser à tous ces souvenirs me fait toujours aussi mal bien que plus dix ans ne soient passés…
Je regarde du coin de l’œil le jeune homme tout en reconnaissant le paysage qui nous entoure.

_ On est bientôt arrivés.

L’air souffle sur moi et éloigne mes démons et mes joues reprennent légèrement des couleurs puis j’indique du bout du doigt le café que je ne connais que trop bien.

Mes yeux se posent vers l'horizon et je me demande si la raison pour laquelle je me sens bien est parce qu'Alexander est un mutant tout comme moi ? Je n'ose parler de ce genre de chose. Je n'aime pas mes "pouvoirs", ils m'attirent beaucoup trop d'ennuis. J'en ai assez en essayant d'être normale alors je ne vais pas en plus étaler mes talents....

_ Il était à ma grand-mère, dis-je d’un ton neutre. Le café je parle. Ma voix me parait lointaine et j’empêche tout autre désagréable souvenir revenir me hanter.

Nous arrivons enfin et ma gorge se serre, je tente de ne pas repenser aux souvenirs qui semblent détruire mes forces mais pourtant je parviens à rentrer dans le café, tenant la porte à Alexander dans un sourire que je tente garder coûte que coûte.

_ Bienvenue Ji Eun ! S’exclame une voix que je ne reconnais que trop bien et qui me fais pousser un soupire d’ennui.
_ Hong Da…Je regarde Alexander en grimaçant, espérant qu’il comprenne que je vais devoir m’occuper de l’homme et je lui indique d’un coup rapide du menton une table ou le soleil réchauffe les sièges en cuirs rouges. J’arrive, lui dis-je dans un souffle avant de me retourner vers l’autre. Comment vas-tu ?

Hong Da m’enlace un peu trop chaleureusement à mon gout mais je ne dis rien, comme d’habitude et je le laisse faire la conversation alors qu’une serveuse à l’allure loufoque se dirige vers Alexander pour prendre sa commande. Je glisse mon regard vers pour voir si tout va bien et me laisse emporter vers la réserve du café par Hong Da qui veut me montrer je ne sais trop quoi. Mes lèvres bougent silencieusement vers mon nouvel ami.

_ Désolée… Je lui souris tendrement et disparaît.

Je suis Ji Eun vers ce restaurant où elle veut m’emmener, mis où je l’ai invité pour la remercier. Pendant quelques courtes secondes le silence règne en maître, mais fidèle à moi-même, je parle. Je déteste le silence, c’est effrayant et affreusement gênant, alors je parle … Encore et toujours. J’espère juste ne pas l’embêter. Je lui parle de passion, lui confiant sans crainte que pour moi le dessin est une grosse partie de ma vie. J’ai été élevé complètement à l’écart du monde extérieur, une feuille et un crayon étaient des objets qu’il y avait toujours à la maison. Puisque je n’avais pas le droit de sortir … J’ai commencé à dessiner très tôt et en plus j’avais comme un don pour cet art. Un don qui n’a cessé de se perfectionner et de grandir en même temps que moi. J’ai quand même eu de la chance tout de même. C’était la seule activité que je pouvais faire ou presque heureusement que je l’appréciais. Je souris et je demande à Ji Eun si elle a une passion. Prendre soins des autres ?

- C’est une belle passion et c’est utile, bon nombre d’entre nous ont besoin d’aide, même s’ils ne l’admettent pas forcément par fierté … Du moins c’est ce que je pense. J’aime soutenir les autres du mieux que je peux moi aussi, mais … Ma sœur m’a souvent dit que je ferai mieux de commencer par prendre soins de moi-même tout seul, avant toute chose … Elle n’avait pas tort. Encore aujourd’hui c’est le cas.

Quand je vous dis que je parle trop. Ji Eun va finir par en avoir marre de moi. Elle est tellement gentille, j’aimerai que nous devenions amis, je ne veux pas l’agacer dès le premier jour, ce serait embêtant. En plus je raconte ma vie. Cela intéresse qui de savoir que je suis un gamin de vingt ans qui ne sait pas s’occuper de lui tout seul ? Personne. C’est bien cela, alors je ferai mieux de me taire, même si Ji Eun n’a pas l’air ennuyée par ce que je dis. Elle se retient peut-être de me remettre à ma place, par politesse.

Je regarde dans la direction que Ji Eun m’indique. Ce restaurant à l’air sympathique … Je tourne la tête vers elle. Ce café était à sa grand-mère. Je comprends qu’elle soit attachée à l’endroit. Il était … Est-ce que sa grand-mère est morte ? Je ne pose pas la question, c’est vraiment très délicat comme sujet, je préfère me taire.

- Oh … Et maintenant c’est quelqu’un d’autre de ta famille qui s’en occupe ?

Demandais-je naïvement. Pour moi c’était logique de quelqu’un de la famille de Ji Eun ait reprit la boutique, mais … Le monde n’est pas aussi idyllique que je me l’imagine. Du moins je suppose. Je rentre à l’intérieur du restaurant et je remercie Ji Eun qui me tenait la porte. Je détail l’intérieur du regard, complètement captivé par ma contemplation. Je souris à Ji Eun qui s’excuse juste après m’avoir indiqué une table. Je m’y installe. Et j’attends que ma nouvelle amie revienne. Une serveuse vient prendre ma commande. Je choisis quelque chose de très léger, je viens à peine de manger et déjà qu’à la base je ne mange pas énormément. Mais bon … Cela Ji Eun n’est pas censé le savoir que j’ai déjà mangé, ni personne d’autre d’ailleurs. La serveuse repart et en attendant j’ouvre mon cahier à dessin. Il y a beaucoup de portrait de Kyu Min, je souris en pensant à mon meilleur ami. Il y a aussi des portraits de ma sœur et de mon père, que je n’ai pas revu depuis si longtemps. Et pleins d’autres dessins sortis tout droit de mon imaginaire. Je relève les yeux vers Ji Eun quand elle revient. Une question me brûle les lèvres. Qui était ce gars ? Cependant … Je ne veux pas être indiscret …

_ C’est une belle passion et c’est utile, bon nombre d’entre nous ont besoin d’aide, même s’ils ne l’admettent pas forcément par fierté … Du moins c’est ce que je pense. J’aime soutenir les autres du mieux que je peux moi aussi, mais … Ma sœur m’a souvent dit que je ferai mieux de commencer par prendre soins de moi-même tout seul, avant toute chose … Elle n’avait pas tort. Encore aujourd’hui c’est le cas.[/b]

Ses paroles me réconforte et je lui souris avec tendresse. Finalement bien qui soit jeune il n'est pas immature pour un sou et j'hoche la tête. Et alors que je vais pour lui répondre que je suis entièrement d'accord sa soeur c'est le temps qu'il a employé qui m'en empêche. Elle n'avait pas tort..? Je déglutis et soupire intérieurement me doutant bien de ce que cela signifie même si je n'oserais jamais aborder le sujet de moi même.

Il continu de parler mais bizarrement tout ça ne m'embête, je suis même agréablement surprise de voir que je prend plaisir à l'écouter déblatérer sur tout ce qui lui passe par la tête. Accompagnant même son récit de légères remarques ou de quelques hochements de têtes, de sourires toujours doux.
Son regard se pose sur le regard de ce café que je ne connait que trop bien et sa question me sort de mes pensées nostalgiques.

_Oh … Et maintenant c’est quelqu’un d’autre de ta famille qui s’en occupe ?

Je ne répond pas et je suis donc Hong Da dans la réserve sachant très bien ce que je vais devoir affronter. Peut importe.
Il m'emmène vers le fond de la réserve et je refuse de le suivre, je suis gentille pas idiote. Sa mâchoire se crispe légèrement mais il ne montre aucun signe de mécontentement et je soupire de lassitude.

_Ma belle Ji Eun.. Ais-je droit à un baiser aujourd'hui ? Dit-il de sa voix qui en charme plus d'une à la ronde. Mais moi je ne mange pas de ce pain la. Je le suis et lui serait toujours reconnaissante d'avoir repris le café de ma grand-mère et d'y avoir mit un excellent cuisinier mais rien de plus. Même s'il semble être persuadé du contraire.
Ses lèvres tente de se rapprocher des miennes et l'image du jeune garçon que j'ai rencontré lorsque j'étais plus jeune s'impose à moi avec force. Je recule et lui donne un violent coup de pieds dans le tibia.

_Crétin dis-je d'une voix neutre.

Je retourne en salle en époussetant ma jupe et découvre Alexander en train de regarder ce qui me semble être son croquis de dessins.Un franc sourire s'épanouit sur son visage et je souris à mon tour. Puis je le vois redresser la tête vers moi, curieux sans aucun doute et bizarrement lorsque je viens m'asseoir à sa table je n'ai pas envie de lui mentir ou de lui cacher quoi que ce soit.

_ Il s'appelle Hong Da et il croit que parce qu'il à reprit le restaurant de ma grand-mère, il à tous les droits. Sur moi y comprit soufflais-je d'une traite comme pour me débarrasser au plus vite de cette information. Tu as commandé ? Demandais-je d'une voix qui se voulait plus enjouée. [/b]

Je marche tranquillement à côté de Ji Eun. Je viens juste de la rencontrer et pourtant je me sens bien avec elle. Elle est gentille, vraiment. Elle a proposé de m’accompagner dans un restaurant qu’elle connait, mais je payerai pour la remercier. C’est ce qui est convenu. Du moins, je crois. Je parle de ma sœur au passé et mon cœur se serre. Je crois que je ne me ferai jamais à l’idée qu’elle n’est plus de ce monde. Cela fait un moins, peut-être un peu plus que Jong Dae me l’a annoncé. Et pourtant … J’ai l’impression que c’était hier que j’ai versé ces torrents de larmes et que j’avais l’impression qu’on m’arrachait le cœur. Je ne supporte pas de l’avoir perdu, alors que j’ai toujours eu cet espoir de la revoir un jour. Maintenant ce n’est plus possible, jamais et je dois vivre avec cela. Elle est morte et je dois l’accepter. Je lui parle de tout et de rien. J’espère ne pas déranger Ji Eun. J’aime combler le silence, sinon je me sens mal à l’aise. Je ne pense pas la déranger, elle me le dirait sinon ? J’espère. Je ne veux vraiment pas l’agacer. Le café était à sa grand-mère. Curieux je demande si quelqu’un d’autre de sa famille s’en occupe désormais, mais Ji Eun ne me répond pas.

Ma nouvelle amie disparait dans une salle derrière le restaurant et je me contente d’aller m’assoir à la table qu’elle m’a indiquée. Je commande quelque chose de léger, tout en regardant mes dessins pour m’occuper. Je m’étale un peu sur la table à vrai dire, mais j’aime regarder ce que je fais après quelques temps. Je peux mieux voir les imperfections de mes œuvres. Ce que je pourrai améliorer, modifier ou faire mieux la prochaine fois. Ji Eun revient vers moi après quelques minutes et encore trop curieux je lui pose une question.

- Je vois … me contentais-je de dire jugent toutes autres remarques inutiles, oui j’ai commandé une soupe de kimchi et toi tu vas prendre quoi ?

Un simple bol de soupe de kimchi me suffira largement. Tout en discutant avec Ji Eun je rassemble mes dessins pour laisser de la place à Ji Eun et aussi pour quand la serveuse apportera nos plats. Je souris légèrement, alors que je repense au compliment que ma nouvelle amie a fait sur mes dessins plus tôt. Dans ma pile de dessin, je trouve un portrait de ma sœur. Sur un coup de tête et alors qu’elle s’en fiche sûrement de ma vie, je lui montre ce portrait.

- C’est Amy, ma grande-sœur … Tu sais … Tu me la rappelle un peu … Je te connais seulement depuis quelques minutes, mais je ne sais pas … Tu as l’air si gentille et … Amy l’était aussi avec moi, même si je ne l’ai plus jamais revu depuis que …

Je m’arrête brusquement. De douloureux souvenirs refont surface dans mon esprit. Ma fugue, ma capture par les Lachesis, la mort de ma sœur … Je range à la hâte le portrait avec les autres dans mon cahier.

- Oublie cela … J’imagine que ma vie ne t’intéresse pas le moins du monde et …

Je n’ai pas le temps de finir ma phrase que la serveuse revient avec nos plats. Je suis décidément trop bavard …