« If I cannot inspire love, I will cause fear! »

Les sirènes de police. L'odeur métallique et poisseuse. La couverture qui s'imbibe progressivement du rouge épais qui la recouvre. Agé de 2 ans, Jin est retrouvé par la police sur le lit de ses parents, son père et sa mère morts gisant à côté de lui. L'enquête ne mène nul part. Un cambriolage qui a mal tourné, voilà tout. Jin, qui commençait à former ses premières phrases, perd l'usage de la parole. Son oncle et sa tante refusent de devenir ses tuteurs. Un enfant qui ne parle pas, c'est bizarre, et on a une réputation à conserver. Une seule solution subsiste : l'orphelinat. Jin y passe toute son enfance. Les années passent, et Jin ne parle toujours pas. Pas la peine de se voiler la face, plus un enfant grandit, moins il a de chances de trouver une famille d'adoption. On ne le dit pas, pas directement. Mais Jin entends des choses qui se murmurent, les employés de l'orphelinat le répète souvent : « Pauvre gosse. ». Il y a autre chose. Cette lueur froide dans les yeux de cet enfant. Quelque chose qui vous met mal-à-l'aise. Cet enfant a vu des horreurs dont on ne parle pas. Un jour, alors que Jin a 8 ans, une des nourrices le surprit en train de maintenir un de ses camarades contre un mur, ses mains contre sa gorge. A l'arrivée de la femme, Jin a relâché son emprise, et retourna dans sa chambre. D'après l'employée, il avait l'air particulièrement calme, presque trop. Jamais personne ne refit mention de cet incident.

7 Novembre 2025. Jin a 10 ans. L'orphelinat est bien équipé et, depuis 5 ans, les enfants et le personnel vivent dans un grand abri anti-atomique, n'en sortant que très rarement pour aller chercher le ravitaillement et accueillir les très rares familles encore de visite. Ainsi protégés, Jin et les autres enfants survivent à la catastrophe. Le lendemain, 8 Novembre 2025, Jin, à la plus grande surprise de tous les employés de l'orphelinat, parle à nouveau.

16 Février 2033. Jin fête ses 18 ans à l'orphelinat. Malgré la catastrophe, les gens présents sont restés sur place, la plupart des employés ayant perdu leur famille. Ils sont tous devenus une famille les uns pour les autres. Excepté Jin. Il est trop différent, trop attiré par les autres, on aime pas ça. Cela faisait maintenant 3 ans qu'on avait découvert que les enfants nés post-catastrophe développent des pouvoirs. Depuis, il ne passait presque plus de temps à l'orphelinat. Il fallait explorer ce qu'il restait de la ville, chercher des enfants mutants, les observer de loin. Ils le fascinaient. A l'âge de 17 ans, il a enlevé un des enfants de son quartier pour l'enfermer dans la cave d'une maison inhabitée. Là bas, il lui faisait subir des expériences étranges, et le forçait à utiliser ses pouvoirs en permanence. Il voulait comprendre. Jusqu'au jour où, à bout de force, l'enfant décéda d'épuisement et de folie. Il l'avait alors regardé mourir. La respiration haletante et les yeux exorbités, Jin venait de ressentir quelque chose pour la première fois depuis 15 ans. Depuis la mort de ses parents, depuis son arrivée à l'orphelinat, Jin n'avait jamais ressenti aucune émotion. Pas de colère, pas de haine, pas de joie. Comme si cet accident terrible avait provoqué chez l'enfant qu'il était, un traumatisme tel que son cerveau avait décidé de condamner toute émotion. Il se sentait vivant, et il en voulait encore. Alors si pour cela il fallait user de la violence et torturer, ainsi soit-il. Il avait entendu parler d'un clan, en Corée, où on en étudie les mutants. Apparemment, une école propose de former des chercheurs. C'est tout ce dont il avait toujours rêvé. A présent, il a 18 ans, il est libre de quitter l'orphelinat et seul responsable de ses faits et gestes. Il est temps pour lui de commencer un nouveau chapitre.


« There's something inside you,
It's hard to explain. »

Certains professeurs parlent de « don », les élèves envieux le surnomme juste « the freak ». La fascination malsaine de Jin pour les mutants cachait en fait un don pour leur étude. En 2033, alors qu'il commence à peine sa première année d'étude, on lui amène son premier sujet, une fillette d'à peine 5 ans, dont le pouvoir semble important et précieux aux yeux du clan. On lui expliquer vaguement le principe : elle vous touche, et connaître votre passé, un échange de regard lui suffit à connaître la personne que vous êtes et un baiser lui dévoile votre futur. La rencontre avec cette jeune mutante marquera Jin, à jamais. Alors qu'il entrait dans son laboratoire, elle était là, assise sur la table d'auscultation en métal froid. Innocente, les yeux rivés vers le sol, elle releva la tête lorsqu'il entra dans la pièce, et plongea son regard dans le sien. Un frisson parcouru l'intégralité du corps de Jin, qui s'immobilisa alors, en état de choc. Qu'est ce qu'il venait de se passer? Il n'avait jamais ressenti ça auparavant. Il commença les expériences avec elle, et ce sentiment étrange ne faisait que grandir. Cet engourdissement et ce léger sentiment d'euphorie. Pourquoi? Son pouvoir était fascinant, et elle l'était tout autant. Oui, il ressentait toujours ces choses lorsqu'il effectuait des expériences sur des mutants. Mais là, c'était différent. C'était quelque chose de chaud et de réconfortant et de dangereux. N'ayant jamais ressenti quelque chose d'aussi fort auparavant, Jin créa une obsession toute particulière pour Park Jae Lin. Elle représentait le contact « humain » le plus intense qu'il n'est jamais pu avoir. Il serait le seul scientifique à l'approcher. Le seul à l'effleurer, à la serrer dans ses bras tout en augmentant le voltage des décharges. Le seul à lui murmurer que tout ira bien alors qu'il lui injecte un nouveau produit. Le seul dont elle pourrait lire l'avenir.

21 Décembre 2043. Jin a commencé à prendre de la Dytentrine. Des doses de plus en plus importantes. Elle booste ses capacités, ses ressentis. En prendre un shot juste avant d'exercer sur Jae Lin avait quelque chose de presque impossible à supporter. Et cette Dytentrine là en particulier. Elle lui montrait, dans tous ses reflets, ce qu'il désirait vraiment. Des images qu'il n'osait pas s'avouer. Des corps qui se tordent et se mêlent. Alors un jour, sous l'emprise de la Dytentrine, rendu fou par ces visions, il avait embrassé Jae Lin. Pas comme d'habitude, pas les visions du futur habituelles. Non, il exprimait pour la première fois ce que certains appelleraient de la passion. Mais une passion folle, une passion dirigée par la drogue. Alors qu'il la rapprochait de lui, une main dans le creux de son dos, la drogue prit le dessus, et il se recula d'elle, horrifié, apeuré. Il venait de vivre sa première overdose. Et Jae Lin venait de perdre son pouvoir.
Il fallait à tout prix qu'elle le récupère. A n'importe quel prix. Jin aurait ressenti de la culpabilité s'il connaissait ce sentiment, mais il ne voyait qu'une chose : sans pouvoir, elle allait quitter les laboratoires. Alors il entreprit des tests plus forts, plus cruels, plus douloureux. Il la serrait un peu plus fort dans ses bras, essuyait les larmes qui roulaient en torrents et lui murmurer des choses, des choses qui font du bien. En vain, car ils finirent par la sortir des laboratoires, l'intégrer dans des missions. Jin pouvait ressentir une chose à présent : le manque. Et il détestait ça.