Naoya naquit un peu avant que toute l’agitation n’eût lieux. Il vit le jour dans un hôpital de la Corée du Sud d’une mère japonaise et d’un père coréen. La jeune femme avait eu une grossesse compliquée et avait du rester alité pendant de longues semaines, mais le futur père n’avait pas fait grand-chose pour l’aider, n’ayant pas voulu d’un enfant. « Tu vois, je t’avais bien dit que tu n’aurais pas du le garder ! Même pas né et il nous créé déjà des ennuis… Comment est-ce que tu vas faire pour travailler maintenant ? » Il n’était bon que pour faire des réflexions et même ne avait-il pas été présent lors de l’accouchement. Il avait déclaré qu’il avait beaucoup de boulot… mensonge, évidemment. Ce fut la jeune maman qui donna son nom à Naoya, en l’honneur de son grand-père qui était décédé à peine une semaine auparavant.

Dès lors que le petit garçon arriva dans la demeure familiale, son père ne lui porta que très peu d'attention, se contentant simplement de le regarder une fois de temps à autre et de déclarer à sa femme qu'il lui ressemblait bien trop, ce qui ne lui plaisait absolument pas. Naoya avait les yeux de son père ainsi que son nez et ses cheveux sombres. Enfant, il était plutôt potelé, avec de bonnes joues rebondies et adorables, comme le disait les amies de sa maman. Il grandit donc dans l'absence quasi-totale de figure paternelle à laquelle se raccrocher, et Dieu seul sait combien un petit garçon a besoin d'un papa. Il n'en fut toutefois pas malheureux dans les premières années de sa vie, mais quand la troisième guerre mondiale éclata dans le monde, sa petite vie en subit également les conséquences.

Son père qui travaillait en tant que scientifique passait ses journées assis à son bureau à chercher des choses que Naoya était loin de comprendre. Ce que le petit voyait juste, c'était que seule sa mère se préoccupait de lui, le choyant, le protégeant contre tout ce qui arrivait à l'extérieur car même si la guerre ne faisait pas réellement rage en Corée, la vie y était devenue plus difficile. Les vivres manquaient parfois et il fallait patienter des jours entiers avant de pouvoir se procurer ne serait-ce qu’un filet de pommes de terre. Néanmoins, on ne peut pas dire que ce fut la guerre qui perturba le plus Naoya, ce fut le comportement de son père envers lui.

Quand il entra à l’école, il devint envieux des autres enfants de son âge. Pour quelle raison ? Leur père venait les récupérer après l’école et des camarades de sa classe racontaient tout ce qu’ils faisaient avec leur père. Jouer au ballon, construire des cabanes, faire des origamis… Et quand on lui demandait à lui ce à quoi il s’amusait avec son parent, il se sentait extrêmement mal à l’aise et répondait un timide « rien, il a beaucoup de travail »… Cependant, cette situation ne dura qu’à peine une année car à la fin de l’année 2024 la plupart des citoyens coréens durent se retirer dans des abris antiatomiques, pour cause une bombe que les scientifiques et chercheurs fabriquaient. Les autorités et le gouvernement avaient de plus en plus de mal à ne pas entrer en guerre, mais ils parvinrent à tenir jusqu’à ce jour de novembre 2025 où le centre de recherches dans lequel se trouvait la bombe explosa, causant de véritables ravages sur son passage. Les jours qui suivirent furent sans aucun doute les plus sombres que vécut le petit garçon, alors âgé de sept ans.

Peu à peu les choses se calmèrent à l’extérieur, la paix revint progressivement. Cette bombe… Naoya n’avait pas la moindre idée de tout ce qu’elle allait engendrer dans sa vie. Cette bombe à laquelle son père avait participé à la fabrication…

Il reprit le chemin de l’école, de nombreuses fois. Il grandit et arriva à l’adolescence, cette étape où le caractère se forge et les relations s’affinent ou se détériorent. Naoya était plutôt un bon élève, même s’il ne s’attardait pas trop sur ses devoirs où sur ses notes, préférant s’adonner à faire le pitre pour amuser la galerie car il n’avait aucune idée du métier qu’il souhaitait exercer plus tard. Il était apprécié, ou détesté et il n’hésitait pas à se battre si on s’en prenait à lui. Il était néanmoins un garçon respectueux et poli, deux valeurs qu’il trouvait importante et que sa mère lui avait toujours inculquées.

Durant sa quinzième année, sa relation avec son père coula à pic. Les deux hommes eurent une violentes disputes, Naoya reprochant à son père d’être trop absent et de ne jamais aider sa mère (en plus de ne s’être jamais occupé de lui), tandis que son père lui hurlait qu’il n’était qu’un bon à rien, qui ne faisait que se plaindre et geindre comme un enfant. « Je ne t’ai jamais voulu mon pauvre garçon, j’aurais du faire entendre raison à ta mère pour qu’on ne te garde pas ! » Et ces paroles eurent raison du garçon qui n’osa plus rien répliquer, choqué d’entendre cela de la bouche de son parent, même s’il s’y était plus ou moins préparé à l’apprendre un jour ou l’autre.

Et après cela, les évènements se déroulèrent à une vitesse effrénée. La maman de Naoya tomba gravement malade et dût être transférée d’urgence à l’hôpital… sauf qu’on ne lui décela, d’abord, aucun symptôme particulier. Un surmenage, qu’on lui affirmait, mais l’adolescent était secrètement convaincu que c’était autre chose, autre chose lié à ce qui s’était passé quelques années plus tôt… Des radiations de la bombe qui avaient provoquées de drôles de drôles de pouvoirs à certains humains. Naoya pensait que sa mère en fut une victime, sauf qu’elle n’arrivait pas à gérer cela.

Ce fut en se rendant régulièrement à l’hôpital qu’il sut ce qu’il voulait faire plus tard : médecin. Toutes ces personnes souffrantes qui arpentaient les couloirs, toutes ces horreurs que personne ne regardait en face, toutes ces choses étranges… Il souhaitait faire de son métier un métier à travers lequel il pourrait aider les gens à s’en sortir, ou au moins à leur redonner de l’espoir. D’arrache-pied il fit tout son possible pour obtenir d’excellentes notes afin d’accéder à la formation qu’il désirait. Son père commençait à le soutenir, mais Naoya continuait de le repousser, le détestant de plus en plus. Pourquoi cet homme ne s’intéressait-il à lui qu’uniquement dès qu’il parvenait à quelque chose ? Par intérêt, il le savait parfaitement. Par intérêt… Par argent, bien sûr. Mais le jeune homme ne pouvait pas se rapprocher de lui, il soutenait fermement que si sa mère se trouvait à l’hôpital à cet instant même, c’était de sa faute car il avait été de ceux qui avaient façonnés cette maudite bombe G.

Mais il n’y avait pas que les études dans la vie du garçon, et bien heureusement d’ailleurs. Il adorait sortir pour s’amuser et faire la fête. Il ne refusait jamais de prendre un verre, ou deux, dans un bar bien sympathique, d’aller danser avec ses amis et de draguer quelques belles personnes qui lui plaisait bien… et étant bisexuel, le choix n’était que plus ample ! Il prenait du bon temps et cela lui vidait généralement bien les esprits ; tout comme cette étrange passion qu’il avait développée envers une vieille guitare qu’il avait trouvée aux ordures, un soir, alors qu’il retournait chez lui. Et puis il y avait également les tatouages… Ces derniers s’inscrivaient au fur et à mesure de son parcours sur sa peau, gravé à jamais sur lui. A chaque évènement important qui lui arrivait, il dénichait une place sur son corps pour s’y faire apposer le signe, rempli de souvenirs et de sens à ses yeux.

« Votre mère est décédée la nuit dernière, je suis sincèrement navrée pour vous… » Comme un couperet, cette nouvelle avait abattu Naoya, tout juste diplômé. Pourquoi était-elle partie… ? Des causes inconnues, mais un mal l’avait rongée et le jeune homme, désormais dans la vingtaine, se jura de faire tout son possible pour aider tous les « mutants » à mieux s’en tirer. C’était son ambition, il y croyait du plus profond de son être et il s’était promis sur sa vie de les aider. Jusqu’à ce que…

Hae Ri. C’était cela son prénom. Hae Ri… Qui c’était ? Une jolie petite serveuse dans le café où se rendait parfois Naoya après ses heures de travail pour décompresser un peu. Plusieurs fois ils s’étaient vus, elle choisissait de venir le servir d’elle-même, des sourires s’étaient échangés, puis bien davantage. De véritables sentiments à la suite de sorties ensemble, puis un enfant, deux ans plus tard : Tomo. C’était une jolie petite famille qu’avait fondée là Naoya et il ne pouvait rien espérer de meilleur. Un bon travail qui lui plaisait, une compagne à en faire jalouser plus d’un et un bébé adorable. Sauf que cette idylle était condamnée à l’avance ; qui avait droit à quelque chose d’aussi parfait dans sa vie ? Personne, surtout pas avec cette histoire de mutants.

« D’abord ma mère, puis Hae Ri et Tomo… » Il les avait perdu, tous les trois. Et il détestait les mutants. Pourquoi ? Ce ne sont que des assassins, incontrôlables et qui ont brisé sa famille, brisé sa vie. Oh, ces deux garçons avaient crû bons de s’en prendre à une femme sans défense avec son fils ? Ils avaient réussi à faire sortir le médecin de ses gongs. Une reconversion, une haine incroyable et plus qu’une seule et unique raison de vivre : se venger. Se venger de la manière la plus cruelle qui soit : exterminer toute cette vermine qui se cache partout. Il les avait côtoyé, il savait où les trouver, comment y faire avec eux ; ils leur ont tout enlevé alors qu’il avait tout fait pour les aider. Maintenant qu’il est engagé dans l’armée, il ne veut plus que leur retirer la vie… Mais sachez toucher le cœur d’un ancien médecin et sa raison saura revenir.